Freelance diary #3 : peur de tout perdre, évoluer en tant qu’indépendant, faire le point

 
 

Freelance Diary est une catégorie d'articles pensée comme un journal de bord. Etre en freelance est une expérience de vie à part entière, avec ses problématiques propres et les doutes qui vont avec. Que vous soyez salarié ou indépendant, si vous êtes curieux de découvrir le quotidien d'un freelance, je vous propose de découvrir mes réflexions diverses sur ce que je traverse avec mon entreprise.

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5 ans en freelance : Plus le temps passe, plus j’ai des choses à perdre

Ces derniers mois, en parlant avec des amis freelance dans plusieurs domaines, j’ai mis le doigt sur un point que je n’avais jusqu’ici pas encore conscientisé : je ne comprenais pas pourquoi j’étais toujours aussi anxieuse en pensant à l’avenir de mon entreprise alors que les années passant, j’aurai justement dû être rassurée de voir que les objectifs financiers étaient toujours remplis.

J’ai constaté que nous étions beaucoup à ressentir ce même paradoxe.

Je me revois au tout début de mon entreprise, où je n’avais pas beaucoup de clients et pas beaucoup de rentrées d’argent, j’étais pourtant dans un état d’esprit tout autre. J’étais pleine d’espoirs, de peurs aussi, mais l’esprit entièrement tourné vers tout ce que je rêvais d’accomplir. Je mettais en place des stratégies de communication pour trouver de nouveaux clients non issus de mon propre réseau. J’avais pris un pari sur l’avenir et je me disais que je verrais bien si cela marchait. Au pire, je reviendrai en arrière.

Maintenant, 5 ans plus tard, mon entreprise roule, les projets s’enchainent naturellement et j’ai mis en place un système qui me permet de m’assurer un revenu même en cas de baisse d’activité.

Alors pourquoi cette peur sous jacente constante ? Pourquoi dès que j’ai une journée de libre je commence à paniquer en me disant que ce n’est pas normal ? Parce qu’il y a 5 ans je n’avais rien à perdre. Je n’avais rien construit et j’étais prête à revenir en arrière sans même être déçue. J’avais tout à fait conscience que tout le monde n’arrive pas à vivre du freelancing. Maintenant, à l’inverse, je regarde mon entreprise comme une une fierté inattendue. Je ne savais pas que ça prendrait et que je pourrais encore être là 5 ans plus tard. Je ne pensais pas qu’autant de clients me feraient confiance. Je ne pensais pas rencontrer autant de personnes avec qui travailler serait une véritable joie.

Sauf que le revers de la médaille, c’est qu’un freelance ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Nous avons tous conscience que même les plus belles collaborations peuvent prendre fin du jour au lendemain pour de sombres histoires de budgets. C’est aussi une grande leçon de vie que d’apprendre à se faire confiance, et à se dire que qu’il arrive, on saura rebondir.

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Se voir évoluer autrement que les personnes salariées

Etre freelance c’est aussi se tenir en dehors de l’échelle hiérarchique du monde corporate. Vous voulez vous définir comme Directeur Artistique ? Comme Graphiste ou comme Designer Graphique ? Cela ne tient qu’à vous et à vos compétences pour être à la hauteur de vos missions. Néanmoins, à chaque fois que je prends mon courage à deux mains pour me connecter sur Linkedin (vraiment, une plateforme qui me génère des angoisses injustifiées), je vois les posts de mon réseau pour annoncer qu’iels ont décroché un nouveau poste avec un titre qui fait rêver dans l’entreprise dans lesquel.les ils sont salarié.es.

A chaque fois je me demande si je devrais moi aussi être en train de chercher à aller plus haut, plus loin, gravir une échelle pour prouver ma qualité de designer graphique en freelance ? Dans la mesure où je suis seule dans mon entreprise et que je n’ai eu jamais l’envie de créer une agence avec une équipe entière, il n’y a que moi pour juger de mon évolution. Et il est à peu près certains que personne à part moi se pose la question de mon “niveau” hiérarchique, hahaha. Il me semble donc, que si ces annonces me titillent, c’est pour autre chose : c’est que j’ai très envie d’être validée d’un point de vue professionnel. Ces évolutions de poste permettent aussi de montrer au monde que nous valons quelque chose.

Il me semble que pour vivre au mieux le statut de freelance, il faut être au clair avec ses priorités. Et même si à chaque fois j’ai un petit moment de flottement en voyant les prises de poste de mes connaissances, je me connais suffisamment pour savoir que cette émotion n’est pour l’instant pas issue d’une véritable envie de revenir dans le monde corporate mais plutôt l’envie diffuse d’être validée socialement auprès de mes pairs.

Si vous vous lancez en freelance, peut-être vous sentirez-vous parfois en décalage avec les personnes de votre entourage qui continueront à être salariées, c’est assez normal. Etre en indépendant est vraiment une autre manière de fonctionner, avec ses propres problématiques, ses challenges et ses réussites.

Finalement, en écrivant ces lignes, l’idée me vient de me créer une liste de réussites à célébrer tout au long de mon parcours d’indépendant. Par exemple, je n’ai pas pour habitude de célébrer la signature d’un nouveau client alors que c’est typiquement quelque chose dont je peux être fière et c’est intrinsèquement lié à mon statut de freelance. Ou encore, célébrer l’atteinte de mes objectifs de chiffre d’affaire. Ou l’écriture d’un nouvel article de blog… Il faudrait que je trouve un format fun et qui me donne l’impression de jouer plutôt que de tomber dans un énième injonction à la productivité. Affaire à suivre :) Je vous dirais si je formalise cette idée !

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S’octroyer du temps pour définir les envies pour l’avenir de l’entreprise

L’année dernière a été remplie d’énormément de projets sur le plan personnel. Je n’arrivais pas à dégager du temps pour me poser sur l’avenir de l’entreprise. Et lorsque j’arrivais à me mettre devant mon carnet, rien ne venait. J’étais tellement épuisée par le mélange de projets clients, formation en cours, projets personnels, que j’étais comme une coquille vide devant ma page blanche. Qu’est-ce-que je voulais ? Où voulais-je aller ? Quels genre de clients ? Quels types de projets ? Aucune idée. Honnêtement, c’est assez perturbant de se voir comme cela lorsqu’habituellement j’adore “me faire des châteaux en Espagne”. Ouvrir le champs des possibles, me laisser rêvasser à de nouveaux horizons, c’est quelque chose qui réveille en moi une excitation et une envie d’avancer. Cela me donne toujours un regain d’énergie et une force de travail énorme. Or, cela, je l’avais perdu en 2022.

Maintenant, nous sommes presque en juin 2023 et la formation que je suivais a pris fin, j’ai déménagé, et je peux enfin prendre le temps de souffler. Grâce à ce changement de rythme mon cerveau a enfin assez d’espace disponible pour se remettre à rêver. Il faut parfois se laisser du temps. On a beaucoup l’habitude de foncer, de se jeter dans l’inconfort pour avancer mais je crois que là, j’ai eu raison de laisser du temp au temps. Naturellement, j’ai senti revenir les idées de projets, des nouvelles envies pour l’entreprise. C’est comme observer le retour du printemps, j’ai constaté le retour des bourgeons, des fleurs qui s’épanouissent. Quelle joie et soulagement ! Maintenant il faut que je prenne le temps d’écrire tout ça sur papier. C’est une étape nécessaire chez moi. Mettre les mots sur des envies permet de passer du flou à une vision précise, cela rend l’idée plus tangible.

Sur ces bonnes paroles, je pense justement faire ce que je prêche et prendre le temps cet après-midi pour passer à l’étape de l’écrit. Tranquillement, au soleil, avec une boisson fraîche.

Merci de m’avoir lu, à bientôt pour un nouveau freelance diary !

 
Sibylle Schwerer