Freelance Diary #4 : rythme d’été, prendre des vacances, multi-passionné

 
 
 

Freelance Diary est une catégorie d'articles pensée comme un journal de bord. Etre en freelance est une expérience de vie à part entière, avec ses problématiques propres et les doutes qui vont avec. Que vous soyez salarié ou indépendant, si vous êtes curieux de découvrir le quotidien d'un freelance, je vous propose de découvrir mes réflexions diverses sur ce que je traverse avec mon entreprise.

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Le rythme d’été, un temps d’introspection

A l’heure où je vous écris, le mois de juillet commence à doucement tirer sa révérence. Depuis la création de mon entreprise, juillet et août sont des mois avec une activité très forte. Les clients préparent la rentrée de septembre, je travaille sur les propositions créatives pendant leurs vacances et nous continuons à leur retour. Cette année, le rythme est beaucoup plus calme. Je n’ai pas forcément pu faire les projets sur lesquels je suis habituellement missionnée car ils tombaient lors de mes vacances.

Après avoir paniqué pendant plusieurs semaines de manière légèrement disproportionnée (”Ah bah voilà, c’est la fin des haricots, je me disais que c’était juste de la chance d’avoir tenu jusqu’ici, que vais-je faire de ma vie maintenant ?”), j’ai commencé à accepter la situation. C’était l’occasion de travailler sur ma propre communication d’entreprise que j’avais mise de côté depuis quasiment un an et pourquoi pas… profiter d’un rythme un peu plus doux ?

En prenant du recul, je me suis fait la réflexion que si j’avais été dans un poste salarié depuis aussi longtemps que je suis freelance (5 ans), j’aurai sûrement eu envie d’une pause pour faire le point sur mes envies. Pourquoi ne pas me l’accorder au lieu de tout de suite voir ce creux inhabituel comme une chose terrifiante ? Pourquoi ai-je autant peur du vide en étant freelance ?

Aussi, habitant dans une ville qui se vide de ses habitants l’été et dont la plupart des commerces font une pause estivale d’un mois (voire deux), voir tous ces panneaux “fermé” sur les devantures m’ont aussi encouragé à ralentir. Mon quotidien à Nantes est très doux : beaucoup moins de sollicitations extérieures, moins d’événements où aller, moins de gens dans les rues. On se rapproche presque d’une certaine idée de la slow life pendant l’été. Alors pourquoi ne pas m’accorder la même chose pour ces quelques semaines où l’activité est plus basse ?

Jusqu’ici, je suis assez contente : j’ai pu remettre à jour des documents qui attendaient depuis des mois, j’ai pu écrire une ribambelle d’articles pour le blog et j’ai mis à jour la mosaïque Instagram avec la nouvelle identité graphique de l’entreprise. J’ai lu des bouquins sur le design, et plus important encore : ce vide a laissé de la place pour des idées fraîches.

Petit à petit, jour après jour, j’ai pu voir des ambitions (re)naitre pour l’entreprise. Cela faisait peut-être un an que je n’arrivai plus à savoir ce que je voulais pour l’avenir : j’étais entièrement prise dans les projets en cours. Tout ce qui me venait à l’esprit étaient des idées préconçues sur ce à quoi doit ressembler la réussite d’une entreprise, alors que là, les ambitions se sont révélées plus personnelles, plus proches de mes propres affinités.

Je crois que j’avais besoin d’un petit temps de jachère, pour préparer le terrain pour de nouveaux projets.

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Prendre de vraies vacances

N’est-ce pas le moment parfait pour parler des vacances en tant que freelance ? Si vous êtes freelance, peut-être faites-vous partie de la team “ne prend jamais de vacances” ou peut-être partie de la team “vacances pendant lesquelles vous travaillez” ?

Je vous avouerai ne faire partie d’aucune des deux : je prends des vacances et lorsque j’en prends, ce sont de “vraies vacances”. C’est-à-dire que je ne travaille pas pendant un temps défini en amont. (Aparté: Je sais qu’il est dingue de devoir définir ce que sont des vacances dans cet article, mais je vous assure qu’il est très commun que les freelances travaillent pendant leurs “vacances”… qui n’en sont plus du coup)

Tous les ans, je pars en vacances les deux premières semaines de juillet et une semaine pour Noël. Ces trois semaines sont fixes et se répètent d’une année sur l’autre. Ensuite, je prends en complément à dates variables une semaine pendant la première moitié de l’année et une seconde semaine pendant la seconde moitié.

Avoir décidé de dates fixes me permet de plus facilement anticiper et surtout éviter d’enchainer un an sans vacances sans même m’en rendre compte. C’est parfois le problème du freelance : on oublie de se créer des moments de réelle pause.

Je dois donc vous avouer que je suis très “old school” sur le sujet : lorsque je pars en vacances, je ne prends même pas mon ordinateur. J’ai envie de déconnecter un maximum donc je ne prends que mon téléphone et ma tablette. Sur place, j’essaye de laisser mon laisser mon téléphone dans mon sac la majorité du temps pour ne pas gâcher ce précieux temps de pause à doom scroller. Je suis injoignable, je ne regarde pas ma boîte mail.

Ce temps déconnecté est nécessaire pour moi. Je peux penser à autre chose, être présente avec ma famille et mes amis. C’est aussi grâce à ce contraste avec le quotidien (connexion/déconnexion) que je peux revenir l’esprit frais et avec un oeil neuf au bureau.

Je comprends bien entendu que cela puisse être difficile lorsque vous êtes salarié et que ce n’est pas la culture d’entreprise, mais en tant que freelance nous décidons de notre propre manière de fonctionner. Prévenez à l’avance vos clients que vous ne serez pas disponible du tout de telle à telle date et tout ira bien. C’est angoissant les premières fois mais ensuite qu’est-ce qu’on se sent mieux !

N’oublions pas que nous sommes notre propre force de travail, nous vendons nos compétences à nos clients, donc nous nous devons de prendre soin de nous : si nous faisons un burn out et que nous nous retrouvons en incapacité de travailler pendant plusieurs semaines voire des mois, on s’en mordra les doigts !

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Se sentir légitime en étant multi-passionné

Je n’aime pas que le graphisme dans la vie.

Parfois, ça me semble une chose évidente : comment se restreindre dans un seul domaine ? La vie est remplie de tellement de choses qui m’apportent de la joie :

— tout d’abord le yoga, discipline prenant une place prépondérante dans ma vie et dont je suis même professeur diplômée

— ensuite je suis passionnée de design produit et intérieur, je regarde un nombre incalculable de vidéos et de sites à ce sujet

— je passe un temps monstrueux de ma vie à lire des livres de fiction (passion pour les livres des éditions Picquier) et des essais (féministes, sur des sujets de société, sur le design…)

— l’écriture est aussi une passion à part entière puisque j’écris énormément que ce soit sur pour mon site professionnel ou à titre personnel (il m’est même parfois arrivé d’envisager écrire pour d’autres personnes, mais j’ai tout à fait conscience des limites dans ce domaine.)

Sur le papier, c’est génial d’aimer autant de choses, n’est-ce pas ?

Mais dans les faits, j’ai souvent la sensation d’être une sorte d’imposteur au milieu de gens passionnés uniquement par le graphisme. Quelle admiration j’ai pour certain.es de mes pair.es respirant le graphisme dès qu’ils ouvrent l’oeil le matin. Ils vivent pour ça et ne pensent qu’à ça. A côté, j’ai l’impression d’être une abeille qui butine au grès de ses envies. Je me laisse inspirer par tout et n’importe quoi. Je peux lire un livre et être inspirée graphiquement, regarder une vidéo sur Youtube et avoir envie d’écrire un livre… C’est un beau bordel de créativité dans ma tête.

Il m’est déjà arrivé lors d’entretien d’embauches -lorsque j’en passais encore- que l’on me demande d’où me vient mon inspiration. J’ai bien conscience qu’il aurait été simple et logique que je donne comme réponse quelques ressources connues du design graphique, ne prenant aucun risque, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’embrayer sur le fait que tout m’inspire. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai été estomaquée par la beauté d’une palette de couleurs dans la tenue de quelqu’un dans le métro, ou encore l’envie de faire un projet fictif là tout de suite maintenant parce que je suis tombée sur une magnifique typographie en vitrine d’un magasin alors que je marchais dans la rue…

Même si je trouve que cela est un atout puisque je vois des harmonies de couleurs et de formes un peu partout, il n’empêche que dans le monde du travail, j’ai l’impression d’avoir donné l’image de quelqu’un d’un peu dispersé. Or, vous n’avez pas vu la jeune Sibylle de 17 ans, lorsqu’en terminale je passais les concours d’entrée de ma future école de design, parler avec le feu intérieur de l’importance des créations des Eames dans le design moderne. La passion est là. Tout le temps. Je suis passionnée… mais par pleins de choses !

Lorsque les gens me voient regarder des sites de décoration d’intérieurs, savent-ils que je suis en train d’absorber des vides et des pleins ? Des textures ? Des matériaux ? Des couleurs ? Des affiches ou des dessins sur les murs qui me donneront des idées pour les mois à venir ?

Parfois j’aimerai être une experte hors du commun du graphisme. J’aimerai réussir à me cloisonner pour pouvoir aller encore plus en profondeur dans ce domaine qui m’a toujours fasciné. Quelle joie ce serait de connaître chaque recoin de cette spécialité qui propose autant de sujets : qu’ils soient politiques, de société, d’histoire, de technique…

C’est aussi ça la beauté de la vie : j’ai encore toute ma vie pour explorer des chemins inconnus de tous les univers qui m’attirent.

On se revoit vite,

Sibylle

 
 
Sibylle Schwerer